Résumés

Conférences plénières

Conférence 1 – Teresa Cabré : Norme linguistique et norme terminologique: le cas de la langue catalane

Conférence 2 – A. Romano : “présentation du projet AMPER

Conférence 3 : Gilles Philippe : Imaginaire de la langue et norme stylistique

Résumé : S’il est un mérite que nous croyons pouvoir attribuer au xixe siècle finissant, c’est d’avoir définitivement découplé les notions de style et de norme. La modernité a ainsi fait de la nouveauté et de la singularité ses deux grandes valeurs esthétiques : contre le style, on jouera les styles, nécessairement définis par l’appropriation singulière de la langue et le refus de la norme, voire la revendication d’un « mal écrit » opposable à un mythique « style NRF », dont la littérature restreinte a voulu un temps secouer le joug. Dans une approche qui cumulera à la fois des considérations strictement stylistiques et des problématiques relevant de l’analyse du discours, on essaiera de voir comment l’étude de la norme stylistique exige que l’on articule des imaginaires langagiers historiquement construits et des pratiques linguistiques stabilisées ou contestées.

Conférence 4 – Agnès Steuckardt : L’émergence linguistique : au-delà du conflit

Résumé : « L’émergence désigne un lieu d’affrontement ; encore faut-il se garder de l’imaginer comme un champ clos où se déroulerait une lutte, un plan où les adversaires seraient à égalité ; c’est plutôt […] un « non-lieu », une pure distance, le fait que les adversaires n’appartiennent pas au même espace. Nul n’est donc responsable d’une émergence, nul ne peut s’en faire gloire ; elle se produit toujours dans l’interstice », écrivait Michel Foucault, commentant le concept d’Entstehung, chez Nietzsche (« Nietzche, la généalogie, l’histoire », Hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971, 144). Comme dans l’histoire humaine, dont parlent Nietzche et Foucault, dans l’histoire de la langue, le phénomène de l’émergence intrigue parce que, d’un côté, il appartient pleinement à l’espace du débat public, mais, d’un autre, il semble échapper à son emprise. Bien sûr néologismes, expressions à la mode, nouvelles intonations, nouveaux styles langagiers suscitent d’innombrables polémiques, remarques normatives, stigmatisations. Mais ces commentaires épi- ou métalinguistiques n’interviennent qu’après coup, et leur influence sur la stabilisation du fait linguistique émergent est sujette à caution. La question de l’émergence linguistique nous conduira à nous interroger sur le rôle des sujets dans le devenir de la langue.

Communications et résumés (par axe et ordre de passage)

Axe 1 : lexicologie, terminologie, métalangue, politique linguistique

Rute COSTA- Les normes terminologiques et les normes linguistiques : deux réalités distinctes

Résumé : La Terminologie en tant que discipline scientifique est de par son essence associée à la problématique de la norme. Mais qu’entend-on par norme dans le contexte de la Terminologie ? Il est essentiel de ne pas confondre normalisation, norme terminologique et  norme linguistique.

Le travail développé dans les Comités Techniques de Terminologie au sein des ministères ou des organismes de normalisation souvent n’est pas accepté par les usagers et est maintes fois mis en cause par les langagiers. Ainsi, un terme choisi dans l’un des contextes peut ne pas être accepté dans les autres contextes.

Dans cet exposé, je ferai référence à des cas concrets survenus lors des réunions de travail entre linguistes terminologues et experts : les désignations qui surviennent en discours, ne correspondent pas toujours avec celles qui sont dans les normes ou encore dans les bases de données.

Danielle CANDEL- Normes en terminologie officielle (France, 2014)

Résumé : L’activité terminologique pratiquée au cœur du Processus d’enrichissement de la langue française est liée à un cadre normatif, prescriptif. Les résultats publiés se doivent théoriquement d’être le fruit de positions et de choix « consensuels ». Il sera instructif de s’interroger sur la nature de ces choix, en se référant à la diversité des participants et en étudiant ce qui peut caractériser les étapes des réflexions, les décisions formulées, les réactions attendues ou enregistrées. À partir d’un corpus s’étalant de 1996 à 2014, cette présentation décrira des éléments de la construction des normes en jeu, de leur réception et de leur cheminement.

Anne CONDAMINES, Stéphanie LOPEZ et Maxime WARNIER- Langues contrôlées : construire une norme langagière à partir de régularités linguistiques dans des situations de communication professionnelles

Un des objectifs des langues contrôlées (LC) est de limiter les problèmes de compréhension dus aux imperfections des langues naturelles par la mise en place de recommandations, afin de garantir une communication transparente. C’est du moins l’espoir que mettent certaines entreprises et institutions dans l’utilisation de ces LC. Nous montrerons, d’une part, que les LC existantes sont assez peu compatibles avec la réalité des usages langagiers en situation professionnelle et, d’autre part, qu’il serait possible de constituer des LC à partir des régularités linguistiques qui s’instaurent spontanément dans des situations de communications régulières. L’exposé sera basé sur deux études menées dans le cadre de thèses, l’une sur un corpus d’échanges entre pilotes et contrôleurs de la navigation aérienne civile , l’autre sur un corpus d’expressions de besoin (« exigences ») du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales).

Emil SAYILOV- Politique et pratique en matière de terminologie lexicale au Québec

Résumé : Depuis la Révolution tranquille des années 1960 la province de Québec cherche à mettre en place une politique linguistique efficace afin de mieux lutter contre l’afflux « des emprunts non adaptés » – les anglicismes. Aujourd’hui encouragés par une politique linguistique provinciale, les néologismes lexicaux créés par des institutions linguistiques représentent une part non négligeable des créations lexicales québécoises.

Si la structure morphologique de ces dernières reflète la motivation des institutions linguistiques en matière de néologie lexicale au Québec, leur vitalité dans la langue renvoie à une tout autre réalité, celle de la société qui en décide encore et toujours l’usage.

Hélène LABELLE – Alternances codiques et artistes émergents; discours épilinguistique sur anglicismes au Québec en 2014

Résumé : Afin de proposer une réflexion sur la norme linguistique des anglicismes au Québec en 2014, nous opposerons le traitement lexicographique des anglicismes d’une instance normative contemporaine, le dictionnaire québécois de langue française commercialisé en 2013 Usito, à une étude de cas portant sur les représentations épilinguistiques médiatiques québécoises sur la question du franglais (alternance codique français/anglais) dans la chanson québécoise émergente. Le corpus de cette étude de cas est constitué à la fois du discours métalinguistique de quatre articles journalistiques parus en ligne entre le 18 juillet 2014 et le 23 juillet 2014 et de celui des 225 locuteurs ayant laissé des commentaires sous ces articles.

Lola AZORIN-La actitud frente a los neologismos en la trayectoria del diccionario académico: un conflicto entre la norma y el uso

Résumé : El propósito de esta comunicación es indagar en los criterios utilizados por la Real Academia Española para la recepción del nuevo léxico en la última edición de su Diccionario (2014). A partir de una muestra de neologismos ampliamente difundidos en el español actual, procederemos a examinar si se ha llevado a cabo o no su admisión en el nuevo DRAE y, en caso afirmativo, de qué manera se ha efectuado, teniendo en cuenta muy especialmente el caso de los préstamos de otras lenguas. También se examinarán las voces de procedencia extranjera que entraron en la anterior edición del DRAE (2001) y que ya no figuran en la de 2014. Del análisis del corpus de datos que manejamos, esperamos obtener conclusiones que nos lleven a determinar si los criterios que emplea la RAE han variado respecto de los vigentes en épocas anteriores y en qué sentido lo han hecho.

Carmen SANCHEZ MANZANARES – Neologismos: normalización y corrección lingüística

Résumé : El propósito de esta comunicación es revisar la condición de corrección lingüística que se aplica en la práctica lexicográfica, así como en manuales de estilo y en otros documentos sobre el buen uso de la lengua, a propósito de los neologismos. Trataremos de mostrar que el tipo de neologismo es una variable que incide sobre la aceptación de nuevas voces, independientemente de su difusión. Nuestro corpus de análisis está extraído de la base de datos del Observatori de Neologia de la Universistat Pompeu Fabra. Algunos de los neologismos recopilados son censurados por distintas instancias lingüísticas reguladoras o asesoras, por lo que interpretamos los criterios que siguen para la recomendación de otras voces frente a estos neologismos.

Jukka HAVU et Matti RÄSÄNEN – La norme linguistique du finnois

Résumé : La codification du finnois (langue finno-ougrienne minorisée pendant des siècles) date du 19e siècle. La norme linguistique, un compromis supradialectal, a été fortement imprégnée de purisme lexical qui veut que les innovations lexicales reposent sur des éléments « autochtones ». Le travail terminologique est géré par le Centre des Langues Nationales (CLN), institution normative créée en 1950, qui dans son travail s’appuie sur l’expertise de spécialistes dans les différents domaines. La diffusion des néologismes s’effectue d’une façon souvent imprévisible ; i) un terme proposé par le CLN se répand dans la langue standard ; ii) une nouveauté lexicale peut émerger d’un groupe professionnel ; iii) des variantes de diverses provenances peuvent coexister longtemps. Le but de cette communication est d’analyser le rôle des acteurs sociaux qui interviennent dans le travail normatif et les différentes modalités de diffusion des néologismes.

Carmen MARIMON- “Empeño de todos”: norma lingüística y sociedad en la columna sobre el lenguaje de Luis Calvo (ABC, 1980-1984)

Résumé : El presente trabajo indaga en el papel de la prensa como referente normativo para los hablantes a partir del estudio de las columnas periodísticas sobre el lenguaje –en este caso de la columna de Luis Clavo, “Diálogo de la lengua”, publicada en el diario ABC entre 1980 y 1984-. El estudio se encuadra en lo que, en otros ámbitos lingüísticos, se denomina crónicas de lengua. Estas suponen siempre un posicionamiento ideológico sobre la lengua -pureza, variación, buen estilo, neologismos, conflicto lingüístico etc,- que, en muchos casos, se plantea en términos de trasgresión de la norma de corrección idiomática -¿y social?- que el firmante considera reprobable. En este trabajo nos centraremos en analizar el argumentario normativo sobre el léxico con el fin de comprobar si el posicionamiento conservador ante la trasgresión de la norma lingüística es reflejo de un punto de vista también conservador sobre la sociedad.

Axe 2 : Sémantique

Anne-Charlotte HUSSON – Éthique langagière féministe et travail du care dans le discours

Résumé :

Cette communication s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur les nouveaux discours féministes visant à rendre compte de leur dimension morale, dans la perspective de l’analyse morale des discours proposée par Marie-Anne Paveau. J’y explore l’idée d’un travail du care dans les discours féministes et de sa place dans ce que j’appelle l’éthique langagière féministe, celle-ci se manifestant dans les métadiscours. L’objectif est de montrer que l’éthique du care et ses concepts propres, qui n’ont jamais fait l’objet de théorisations proprement linguistiques, peuvent contribuer à l’analyse morale des discours et permettre de rendre compte, dans le cadre d’une épistémologie féministe, d’une éthique langagière bien spécifique. Je m’appuie pour cela sur un corpus anglophone tiré d’internet et de nature métadiscursive, portant sur la pratique technodiscursive du trigger warning ; celle-ci consiste à fournir des avertissements concernant des contenus pouvant affecter gravement des personnes ayant subi, par exemple, des violences sexuelles. Ces métadiscours sont également traités sous l’angle de la folk linguistique, dans la mesure où ils mobilisent des jugements axiologiques fondés sur des normes langagières et une forme de morale sociale de la parole.

Émilie DEVRIENDT – Volontarisme social et pratiques lexico-discursives de la gauche radicale dans la France contemporaine : à propos des usages de précaire et précarité

Résumé : Il est courant, dans les interventions des groupes de la gauche radicale, de rencontrer des réflexions sur les catégories employées par le pouvoir, lesquelles peuvent donner lieu à des modalisations autonymiques (réforme, gouvernance, excellence…) ou à des remotivations (pacte d’irresponsabilité, coût du capital, etc.). Les deux noms précarité et précaire, auxquels j’ai choisi de m’intéresser, sont mobilisés à la fois dans la « communication » gouvernementale depuis plus d’une décennie et au cœur des luttes sociales de cette période, depuis le milieu des années 1990 à la lutte en cours contre la remise en cause de l’assurance-chômage, en passant par la lutte anti-CPE (Contrat première embauche) de 2006. Or leurs usages dans les discours militants semblent se différencier de ceux des catégories évoquées précédemment en ce que, bien qu’appartenant aux « éléments de langage » officiels, tout se passe comme si précarité et précaire échappaient largement à la réflexion critique. La question linguistique, et politique (au sens large), que pose l’emploi acritique de ces mots dans les discours oppositionnels, est celle de savoir si ces choix (ou non-choix ?) lexico-discursifs entrent en contradiction avec leurs objectifs de lutte (leurs normes de radicalité critique), comme le suggèrent de différentes manières les rares critiques internes faites à la catégorie « précarité ». En s’appuyant sur la thèse révolutionnaire selon laquelle on ne peut combattre l’aliénation avec des moyens (ici lexico-discursifs) aliénés (à l’idéologie dominante), on peut s’interroger sur la rareté ou l’absence, au sein de certains discours radicaux, de pratique volontariste consistant à ne plus employer, ou à employer autrement, en critiquant leurs usages dominants, les mots précaire et précarité dans la situation historique et sociale contemporaine. Pour réfléchir à ces questions, qui relèvent de ce qu’on pourrait appeler une politique de la nomination, je travaillerai sur un corpus constitué de brochures, tracts, revues et publications électroniques syndicales, politiques (organisations principalement non parlementaires) et/ou militantes de la gauche radicale de ces dix dernières années.

Chloé RICHER – Les « mots de la tribu » : des groupolectes ? Étude des désignateurs relationnels chez Hervé Guibert et Mathieu Lindon

Résumé : Cette étude esquisse la notion de groupolecte, pour désigner la variation linguistique propre à un groupe d’auteurs qui, par l’écriture autofictionnelle, se constituent en une communauté linguistique, littéraire et sociale. Nous désirons ici explorer un éthos collectif à la marge, à travers les désignateurs relationnels, dans l’œuvre de Guibert (A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, 1990, Le protocole compassionnel, 1991 et L’homme au chapeau rouge, 1992). En effet, les termes pour désigner l’autre catégorisent avant tout la relation que le locuteur entretient avec lui1. C’est pourquoi ils sont marqués par la polyphonie, soit qu’ils stabilisent des fragments de discours d’autrui2, soit qu’ils effectuent un nouvel encodage sémantique à partir du matériau disponible de la « norme »3, entendue comme « système de valeur historiquement situé » (Gadet, 2003 : 19). Ce faisant, les relationèmes deviennent des dénominations : ils mémorisent un lien référentiel qu’ils ont préalablement posé, à l’échelle d’une oeuvre, mais aussi d’une époque. Ainsi, l’emploi réactualisé de certaines dénominations de Guibert dans Ce qu’aimer veut dire (Lindon, 2010) nous permet d’affirmer qu’elles ont valeur de dénominations groupolectales : elles stabilisent, par la fixation de certains traits sémantiques, des caractéristiques identitaires, qui traversent l’époque et le contexte.

Laetitia EMERIT- Happy Facebookversaire…

Résumé : L’objectif de cette communication est d’envisager l’expression « joyeux anniversaire » sous l’angle de la norme (et des variations s’y rattachant) telle qu’elle est rencontrée dans le discours électronique sur les réseaux sociaux numériques.

Peut-on considérer « joyeux anniversaire » comme une routine (au sens de Maingueneau 2004), un patron phraséologique qui guiderait les locuteurs dans la construction des souhaits d’anniversaire sur Facebook ?

Pour tenter de répondre à cette question nous nous appuierons sur un corpus constitué des souhaits d’anniversaires relevés sur 100 profils Facebook durant l’année 2013. Notre réflexion se construira en deux étapes, reposant sur une analyse textométrique et une enquête auprès des locuteurs du corpus. 

Bertrand VÉRINE- Entre verbalisme et atypicité, la description de personnes par vingt locuteurs aveugles

Résumé : Dans Le Sentir et le dire, Danièle Dubois (2009) et ses collaborateurs attestent la nécessité de déconstruire la norme visuelle implicite régissant les praxis et les discours contemporains. La distribution et la modalisation des propriétés actualisées par vingt informateurs aveugles pour décrire une femme et un homme de leur entourage montrent comment ils négocient avec cette norme : la description physique apparaît tantôt passée sous silence, tantôt limitée aux propriétés visuelles conçues comme les plus pertinentes selon l’interdiscours (couleurs des yeux et des cheveux notamment), parfois complétées ou, moins souvent, remplacées par des propriétés avant tout saillantes pour le locuteur, comme la voix et la peau. La norme visuelle est rarement contestée de manière explicite et transparaît avant tout par les jugements d’insuffisance que les interviewés portent sur eux-mêmes.

Naír GARCIA ABELLEIRA – La performance social y la elasticidad de la norma

Elisa RASCHINI- Un brybry dans mon bidou : émergence, contestation d’une norme discursive et procédés identitaires dans le discours d’expérience de l’assistance médicale à la procréation

Résumé : Nous étudierons la créativité lexicale et la diffusion, ces dernières années, de néologismes tels que brybry, fofos, zozos, gygy (désignant les embryons, les follicules, les spermatozoïdes, le gynécologue), dans les forums et les blogs français consacrés à l’expérience de la procréation médicalement assistée. La perspective de la folk linguistique, tout en éclairant les réflexions linguistiques produites par les énonciateurs/trices eux/elles-mêmes quant à l’emploi ou non de ces néologismes, ouvrira un point de vue spécifique sur le rapport entre ces emplois et la conservation ou la transformation de normes lexicales préexistantes. La perspective de la sémantique discursive et la mobilisation des notions de sexe et de genre permettront de nous interroger sur le rapport entre créativité lexicale, norme et construction identitaire des énonciateurs/trices.

Catherine DOMINGUES et Iris ESHKOL-TARAVELLA- Ecriture des toponymes en français : variations entre normes et usages

Résumé : La communication proposée portera sur l’écriture des toponymes en français et plus particulièrement sur les variations entre les normes et leur application dans un corpus Web.

L’écriture des toponymes en français pose de nombreux problèmes. Le premier provient du nommage des lieux. (Dubois 1994) indique que « la principale constatation […] est le peu de rapports qui existe entre les noms de lieux d’un pays et la langue du peuple qui l’habite. » En outre, les toponymes proviennent souvent de la tradition orale et évoluent dans le temps.

La deuxième difficulté concerne les fluctuations des discours normatifs, par exemple la graphie qui diffère selon l’usage. Mathieu-Colas (1998) constate que si « chaque auteur présente ses règles sous une forme impérative, on note de l’un à l’autre un certain nombre de divergences qui, dissipant l’illusion d’une norme universelle, ne font que mettre en évidence l’instabilité du système. »

Enfin, les règles d’écriture en français doivent aussi s’appliquer aux toponymes étrangers.

Nous présenterons d’abord, les discours normatifs suivants : • les recommandations des institutions officielles francophones chargées du patrimoine toponymique : IGN (2003), CNT (2010) ; • celles des institutions officielles établissant les recommandations en typographie (Imprimerie nationale 2002) ; • les grammaires du français (Grevisse et Goosse 1993, Riegel et al. 1994) ; • les manuels scolaires.

Nous commenterons ensuite des ressources terminologiques concernant les toponymes, institutionnelles ou qui proviennent du Web. Ces dernières, construites de manière collaborative par les internautes et gratuites, multiplient les graphies des toponymes et mettent en place des concepts qui doivent pouvoir catégoriser les toponymes de tous les pays.

La dernière partie sera consacrée à l’analyse, en regard des discours normatifs et des ressources terminologiques, à l’écriture des toponymes dans un corpus Web de titres de cartes géographiques. Cette analyse prouve que les normes sont souvent ignorées parce que les règles énoncées y sont non homogènes, trop subtiles et compliquées pour être appliquées par les internautes.

Claudine FRÉCHET – Les régionalismes du français dans les Bonheurs Courts de Charles Exbrayat (1906-1989). Catégories – Fréquence – Rôles

Résumé : Charles Exbrayat, né dans la région stéphanoise (1906-1989), et qui a aussi des origines ardéchoise et grenobloise, est l’auteur du cycle Les Bonheurs Courts – quatre romans : La Lumière du matin, Le Chemin perdu, La Désirade, Les Soleils de l’automne -, qui n’est pas constitué de romans policiers. A la lecture de ces textes, on note qu’un certain nombre de régionalismes sont utilisés ; ils relèvent aussi bien de la phonétique (ex. : nom de dzi « nom de Dieu », estomaque « estomac »…), que du lexique (ex. : s’applécher « vivre en concubinage », bachas « petit bassin », devantier « tablier »…), ou de la syntaxe (ex. : marier « se marier », le/la + nom propre…).

Après une présentation des régionalismes utilisés par Charles Exbrayat (catégorie grammaticale, champs sémantique et extension géographique) dans ces quatre romans, et les procédés utilisés pour donner accès au sens des traits régionaux par l’auteur, je donnerai quelques informations concernant l’extension géographique de ces mots ou expressions afin de montrer en quoi ils sont révélateurs des origines de l’auteur qui peut avoir aussi connu une influence linguistique ardéchoise et grenobloise. Enfin, en prenant appui sur Les Bonheurs Courts de Charles Exbrayat, je présenterai les contextes d’utilisation, la contribution des traits régionaux à la peinture des personnages et des lieux, je mettrai en relief les domaines et les communautés où les régionalismes du français sont les plus présents.

Matthieu PIERENS- De l’ire à la colère

Résumé : Apparu au XVème siècle, le mot colère remplace au XVIème siècle ire en tant que terme générique du champ de la colère. Nous souhaitons apporter ici des éléments d’explication à ce changement de norme en étudiant l’évolution des noms colère, courroux, fureur et ire entre 1450 et 1650 dans la base FRANTEXT.

Dans une perspective sémasiologique, nous montrerons ce qui fait la spécificité de colère et d’un point de vue onomasiologique, nous examinerons l’évolution de l’expression des principaux types de colère au cours de cette période. Enfin, nous nous demanderons dans quelle mesure les changements constatés sont similaires à ceux qui ont prévalu en anglais (s’agissant des noms wrath et anger), ce qui nous amènera à nous interroger sur le lien entre normes lexicales et normes sociales dans le domaine des émotions.

Véronique MONTAGNE – De la norme théorique à ses réalisations pratiques : le cas de Gratien du Pont (1534, 1539)

Résumé : La communication proposée ici repose sur une étude des relations entre, d’une part, l’Art et Science de rhétoricque metriffiée (1539) du toulousain Gratien du Pont, texte normatif sur la versification et, d’autre part, la poésie contemporaine – notamment celle de Jean Lemaire de Belges (1473-1524), un peu antérieure aux textes de Gratien du Pont,  ou de Clément Marot (1496-1544) – et/ou la rhétorique seconde de la même période, notamment avec Le Grand et Vrai Art de pleine rhétorique (1521) de Pierre Fabri. Le rapprochement de ces deux corpus – théorique et pratique – montre que coexistent alors des normes et des usages poétiques différents dans un même espace géographique et social. Le corpus retenu est riche d’enseignements sur les contextes (énonciatifs, culturels, etc.) qui permettent de faire qu’une norme peut devenir valide ou ne le peut pas : la validité de la norme poétique s’inscrit ici dans un cadre dialogique de consensus (réel ou fictif) et son invalidité pose la question, d’ordre linguistique, du plurilinguisme et donc, de la variété des possibles – construits – par rapport à des usages donnés.

Richard TRIM -Rhetorical concepts in geopolitics and the semantico-referential relationship : a conflict of reality?

Résumé : This study will examine the aspect of semantic indeterminacy and variation in the referential of metaphor mapping and will propose that the resulting effect may be a linguistic norm in the overall problems of interpreting figurative meaning. It will also be shown, however, that indeterminacy can be a useful rhetorical tool. The analysis will deal with a particular case of usage in the history of the « red lines » metaphor initiated by the American President Barack Obama in 2012 concerning the Syrian conflict (2011 to the present day) and which had innovative metaphoric repercussions in different countries. By taking into account varying approaches to referential meaning, the present study suggests that it represents a very distinct dimension in the metaphor mapping process and any slight modification may completely change the overall meaning of the metaphor. Due to the complexity of referential parameters, the highly volatile nature of referential meaning may thus be the norm in figurative language discourse.

Axe 3 : Textualité

Jean-Pierre NGOULOURE- Norme(s) et variations textuelles dans le réseau Twitter

Résumé : L’écriture des tweets, qui impose une certaine limitation du nombre des caractères, en raison des contraintes techniques, remet au goût du jour la problématique de la norme, voire des normes, du point de vue de la pratique d’une langue. Les nombreuses variations textuelles qui peuvent en découler conduisent parfois à l’énonciation des phrases inachevées ou désarticulées, au choix des mots mal écrits, abrégés ou non accentués, dans une sorte de logique phonétique. Tous les ingrédients sont dès lors réunis dans ce genre d’interactions discursives pour qu’on puisse parler de « textualité négative ». Or si ces formes scripturales peuvent faire l’objet de critiques ou de suspicions par des puristes, soucieux de préserver les principes élémentaires du bon usage, force est de constater que leur véritable légitimation en tant que genre à part entière serait selon nous plus un atout qu’un handicap pour la langue, la plupart des tweets constituant de véritables leviers pour sa dynamisation

Laura Gabrielle GOUDET- Les mécanismes de subversion du rapport au registre dans les mèmes Internet

Résumé : Dans cette communication, je me propose d’étudier des phénomènes linguistiques mémétiques qui jouent avec les normes de référence (français ou anglais contemporain). Le mot-dièse « #onlacherine » [sic] passe de son statut initialement militant, pour la Manif pour Tous, à la représentation de ses parodies. La métathèse rine pour rien y figure la resémantisation de la phrase. La subversion à la norme linguistique peut passer par un recours à un registre de langue plus soutenu. À l’opposé, le mème sur le rap archaïque consiste en un décalage entre paroles vulgaires et remplacement par des équivalents en anglais précieux. L’examen de ces deux pratiques diamétralement opposées permet de voir l’émergence de nouvelles exploitations pragmatiques du rapport à la norme, immédiatement reconnaissables et où les indices graphiques du décalage sont primordiaux.

Stefano VICARI – Les « écarts » de la norme dans la presse people : statut, caractéristiques linguistiques et effets discursifs

Résumé : Après avoir présenté quelques données liées à la diffusion de ce genre de presse en France, je m’interrogerai sur l’absence, en sociolinguistique et en analyse du discours, d’analyses portant sur les caractéristiques linguistiques et discursives de la presse échotière. Je me propose ensuite d’analyser les phénomènes de variation savamment utilisés par les journalistes dans différents buts à partir de l’hypothèse qu’en dépit des représentations linguistiques ordinaires puristes, les journalistes s’éloignent volontiers des normes dominantes dans le but de poursuivre un idéal discursif différent, plus proche des pratiques linguistiques réelles ou, du moins, considérées comme telles dans leur imaginaire. J’essayerei de répondre aux questions suivantes : quel est le poids relatif de ces caractéristiques langagières qui s’éloignent des recommandations normatives ? Relèvent-elles de véritables innovations ? Quelles sont les modalités de leur inscription en discours (gloses, marques typographiques, etc.) ? Bref, peut-on considérer ce genre de presse comme un laboratoire d’innovation linguistique ou plutôt comme un observatoire de pratiques langagières présumées réelles ?

Christina ROMAIN et Véronique REY – Les normes linguistiques de la gestion de la tension chez l’enseignant en école primaire : de la variation individuelle à la mise en danger de la relation interdiscursive

Résumé : L’analyse vise à étudier les normes linguistiques constitutives des registres discursifs convoqués par les enseignants pour gérer et négocier les différents moments de rupture interactionnelle (montée en tension verbale : cf. Fracchiolla, Moïse, Romain et Auger, 2013 ; Rey, Romain et DeMartino, 2014 ; Romain et Rey, 2014). Les enseignants convoquent-ils les mêmes normes linguistiques comme stratégie de gestion de la montée en tension ? Sont-ils amenés à faire co-exister des normes différentes ? Certaines stratégies sont-elles plus bénéfiques pour la résolution de la tension ? Et plus particulièrement, la variation dans la gestion des normes lors de la montée en tension est-elle efficace ou non ? Nos résultats illustrent le fait que les variations systématiques des normes linguistiques lors des moments de tension ne favorisent pas la négociation.

Frédérique SITRI et Marie VÉNIARD – Genres, normes, routines

Genres, normes, routines

Nous nous proposons dans cette communication d’envisager la question de la norme et de la variation dans un genre professionnel, les rapports éducatifs produits par des éducateurs à destination d’un juge dans le cadre de la protection de l’enfance, en nous interrogeant sur la relation entre « normes de genres » (Branca 2007, 2011, Rastier 2007) et « normes de langue ». Nous souscrivons au postulat selon lequel l’étude « des ressources génériques permet d’explorer une normativité qui va au-delà du respect des prescriptions grammaticales (Branca-Rosoff 2011 : 25).

Les écrits que nous étudions se caractérisent par la répétition de patrons lexico-syntaxiques plus ou moins figés qui servent la visée pragmatique et argumentative du genre : caractériser les personnes / évaluer une situation / formuler une préconisation (poursuite ou aménagement d’une mesure de placement par exemple) et que nous définissons donc comme des « routines » (Née, Sitri et Veniard 2014). En voici quelques exemples : être en (difficulté, colère…), être dans (l’attaque, la dissimulation de mots à faire signer), en lien avec (le collège, son histoire). Ces patrons présentent un éventail de réalisations, dont certaines produisent une impression « d’étrangeté » pour l’observateur extérieur.

Nous nous interrogerons d’abord sur la prégnance de ces routines du point de vue des locuteurs. Dans les rapports écrits, non seulement elles ne donnent pas lieu à marquage métalinguistique, mais les corrections apportées par les scripteurs dans les états successifs des rapports, montrent qu’elles s’imposent parfois à la place d’énoncés plus « standards ». Nous confronterons ces observations, qui laissent supposer une forme de conscience des normes écrites, avec les enregistrements audio des réunions qui préparent la rédaction de ces textes.

Nous montrons/défendrons l’hypothèse que ces réalisations, atypiques, ne sont pas pour autant « irrégulières » ou « accidentelles ». Elles s’expliquent par la visée pragmatique du genre, par des déterminations interdiscursives ou par des thèmes constitutifs du discours des éducateurs et structurant leur activité. Ainsi dans le cadre de la distinction établie par Coseriu (1952) entre système, norme et parole, la norme opérant selon lui une sélection dans les potentialités du système, les réalisations ci-dessus peuvent être considérées comme des réalisations « non normées » mais qui correspondent aux potentialités du système et s’inscrivent, pour certaines, dans des tendances actuelles de changement linguistique. La variation se rencontre d’ailleurs essentiellement dans des constructions prépositionnelles, qui pourraient constituer une zone « d’instabilité » de la langue (Deulofeu 2001, Legallois 2013).

Raphaelle HEROUT- La place des normes langagières dans une pensée de la révolte – L’exemple du Surréalisme

Résumé : Le production surréaliste présente, entre autres intérêts, celui de donner à lire de remarquables trouvailles linguistiques, témoins d’un travail et d’une réflexion de grande ampleur sur les normes langagières et la façon dont celles-ci garantissent le maintien d’un certain ordre établi. Aussi souhaitons-nous étudier ces discours sur la langue et les moyens linguistiques mis en œuvre par ces poètes pour aller au-delà de ce que les normes prescriptives autorisaient, pour perturber le langage dans le but d’enrayer la reproduction de cet ordre établi, d’empêcher la perpétuation de schèmes de pensée jugés obsolètes. Entre intuitions humboldtiennes et recherches de nouvelles compétences linguistiques, il s’agit bien de refuser de considérer comme un donné ce qui n’est qu’une norme possible précisément pour entrevoir la possibilité d’instituer d’autres possibles.

Lucile GAUDIN – De la norme à la figure : la détermination dans Chants populaires

Résumé : Nous nous intéresserons dans cette communication au rapport à la norme d’un poète contemporain, Philippe Beck, dont le recueil Chants populaires, paru en 2007, propose la « rédification » des Contes de Grimm. Le travail de Beck, en revendiquant comme intertexte le texte des Grimm qu’il s’agit pour lui de « récrire », repose sur l’hybridation générique et permet un jeu complexe sur les normes en présence. Les tensions ne manquent pas en effet entre norme langagière et dynamique textuelle d’une part, norme « poétique » et norme « folklorique » d’autre part, norme sociale du bien dire et norme éthique du « dire juste » enfin. Nous étudierons, pour rendre compte de ces tensions, un trait particulièrement frappant de l’écriture de Beck, à savoir son utilisation atypique des déterminants, et plus largement de la référence nominale. En nous interrogeant sur l’absence de déterminant dans des exemples aussi différents que :

(1) Car outre qu’en toute manière

La belle était pour les gens fiers ;

Fille se coiffe volontiers

D’amoureux à longue crinière. (« Le lion amoureux »)

(2) Père fait une fin à nouveau.

Nouveau Lit fait deux filles,

Ou Filles suivantes –

avec un cœur noir.

Fille Première est l’adversaire.

Fille de Lit premier. (« Cendres »)

nous montrerons que le texte (et la collection de textes que réalise le recueil) s’appuie sur la norme linguistique et sur les normes discursives véhiculées par les deux genres du poème et du conte pour mettre en place une gestion inédite de l’actualisation nominale, entre référenciation générique et recatégorisation grâce aux figures de l’antonomase et de la périphrase.

En envisageant ces figures, dans une perspective pragma-énonciative, comme un poste d’observation privilégié des choix nominatifs opérés par un énonciateur, nous verrons qu’elles sont à leur manière des vecteurs de normes socio et/ou idiolectales.

Inès OSEKI-DEPRÉ et Michèle MONTE – La traduction peut-elle faire évoluer les normes linguistiques et textuelles de la langue cible ?

Résumé : Après avoir présenté à grands traits les caractéristiques de l’écriture du romancier João Guimarães Rosa au regard des normes du portugais brésilien de son époque, nous analyserons les solutions mises en œuvre par Inès Oseki-Depré pour traduire en français cette langue très inventive puis nous essaierons de déterminer la logique des corrections effectuées sur cette traduction par l’éditeur lors des rééditions. Cela nous amènera à nous interroger sur le degré d’acclimatation de la langue cible à un texte issu d’un autre horizon culturel et sur les modifications dans les normes linguistiques et textuelles que la traduction peut introduire dans la langue d’accueil.

Marie-Albane WATINE – Norme esthétique, norme psycholinguistique : le cas de la tmèse dans la prose littéraire

Résumé : A partir des années 1950, on voit apparaître dans la stylisation du parlé de nouveaux types de phrases, comportant des structures de mises en attente et des inserts qui dévient de la norme à différents égards : déviance morpho-syntaxique, avec par exemple des disjonctions entre pronom clitique et verbe ; déviance syntaxique, avec des structures récursives d’insert dans l’insert ; déviance discursive, avec des inserts assez long pour mettre en péril la mémorisation du premier segment.

Ces retardements d’éléments prévisibles appellent une lecture figurale, et nous proposons de nommer tmèse, au sens large, ces disjonctions de divers types senties comme a-normales. Nous proposerons ici d’aborder l’infraction en termes psycholinguistiques. En effet, depuis une quinzaine d’années, certaines études cognitives du traitement des phrases montrent que les structures qui compromettent la compréhension et obligent à des retraitements sont celles qui, comme les tmèses, induisent des coûts de stockage et des coûts d’intégration élevés. Nous souhaitons ainsi évaluer l’impact des limites cognitives de la performance, qui participe au ressentiment collectif de la norme.

Geneviève SALVAN – Anaphores pronominales non conformistes dans le discours littéraire contemporain : normes textuelles et orientation dialogique

Résumé : Nous proposons dans cette communication d’interroger la tension incessante dans la gestion de l’anaphore entre l’intégration syntaxique des expressions anaphoriques (pronoms relatifs et pronoms personnels) et leur fonctionnement dans la dynamique informationnelle, dans un corpus de littérature contemporaine.

Voici quatre exemples de cette gestion non-conformiste de l’anaphore, qui allie intégration syntaxique et bifurcation thématique (par le pronom personnel de P3 il en 1, les relatifs quoi et qui en 2 et en 3) :

(1) Et puis cet art de la reprise, ce tissage savant au-dessus du vide, tel ce mouchoir déchiré ou mité, raccommodé par ses soins, en tout point comparable à une tapisserie d’Aubusson, qu’il eût fallu encadrer, tant il méritait, ce chef-d’œuvre inconnu, de figurer aux côtés des plus hauts sommets de la modernité. (Pour vos cadeaux, p. 32)

(2) Ce que dit à sa manière la correspondance miraculeusement resurgie de ses années de pension, retrouvée dans un carton, relégué sans ménagement parmi d’autres emplis de débris de vaisselle, au milieu du bric-à-brac de l’entrepôt, à quoi, cette négligence, on reconnaît bien son mépris pour tout ce qui pouvait ressembler à de la nostalgie. Cette façon de tourner une bonne fois pour toutes la page, de ne pas s’encombrer avec les témoignages et la collection complète des souvenirs anciens. (Pour vos cadeaux, p. 33-34)

(3) Du fourneau monte un mince filet de fumée qui ne donnera pas, ce signe indien, grande indication à la tranchée adverse. (Les Champs d’honneur, p. 177)

Le procédé est poussé à l’extrême lorsque le relatif reçoit deux référents possibles et non coréférentiels :

(4) L’ensemble serait resté en l’état, c’est-à-dire un de ces objets inutiles dont on n’ose se débarrasser, parce que trop rare ou du moins trop chargé de souvenirs, sans une ritournelle à la radio, un air de danse celto-berrichon ou quelque chose de ce genre, vieille rengaine remise au goût du jour, qui apparemment ne devait pas réclamer, son exécution, de longues années de conservatoire. (Le Monde à peu près, p. 148)

Nous montrerons d’une part que les solutions apportées à la double exigence d’intégration syntaxique et de dynamique informationnelle réalisent un compromis avec les normes textuelles par réajustements successifs de la référenciation, enregistrant dans la phrase la temporalité propre à l’acte d’écrire. Nous montrerons d’autre part que ces phénomènes anaphoriques révèlent la négociation entre les normes textuelles et l’orientation dialogique du texte.

Elina GAUTIER – Le palier entre le singulier et le multiple, l’individuel et le social : la RDA et la mise en scène du langage oral dans Clope au dossier de Robert Pinget.

Résumé : Dans notre communication nous analyserons le surgissement du langage enfantin ou du langage parlé et l’effacement graduel du sujet de son propre dire en RDA (Représentation du Discours Autre) dans le roman Clope au dossier (1961) de Robert Pinget. L’objectif est de représenter la difficulté, voire même l’impossibilité, d’identifier la parole d’un sujet parlant malgré son rôle comme « source » : la parole singularisante est toujours traversée du social et du collectif, et la RDA en devient un marqueur.

On démontrera comment un roman, au lieu d’être réduit à un texte « polyphone », peut aussi devenir « discursif » ainsi que cette discursivité se transforme soit en énonciation cohérente, soit en effacement et en absence. Dans notre corpus, l’utilisation du langage parlé devient un signe de revendication.

Aude LAFERRIERE – Normes des incises de citation : des « barricades de toile d’araignée qui ferment les avenues où l’usage s’avance »

Résumé : Pour l’incise du type dit-il, forme réputée figée, la création ne paraît se gagner qu’au prix d’une marginalisation : à en croire certains discours normatifs, ces innovations ne sont que des transgressions, rejetant certaines incises dans un hors langue.

Mais la diversification continue de cette forme semble avoir invité la norme elle-même à se renouveler. Car, depuis le XIXème siècle, les écrivains exploitent une marge de manœuvre inhérente à la structure même de l’incise. Variation distributionnelle, absence de verbe de parole, radicalisation de sa séparation avec le discours direct sont autant de mutations qui invitent à considérer les mécanismes interprétatifs permettant le maintien de sa signifiance.

1 Nous étudierons les dénominations groupolectales selon l’approche de Paveau (2007 pour le nom propre) : comme des catégorisateurs de type social et culturel multiples, dont on active le sens suivant les perceptions des usagers, lecteurs et chercheurs. Par ce « feuilleté mémoriel » le groupolecte propose une Carte du Tendre qui ne se prétend pas territoire.

2 A l’exemple de l’adresse hypocoristique « mon pauvre lapin », tirée d’une anecdote de la vie de Foucault et qui vient signifier le sentiment de mise à l’écart par rapport au groupe monde.

3 phénomènes d’implicites sexuels par exemple, qu’expriment de manière stable des termes comme « garçon », « jeune homme », ou dont sont ponctuellement porteuses des dénominations comme « ami ».